Berliet d’ailleurs et d’autrefois

On voit tout de suite que l’on n’est pas en France, pas même en Europe (ci-dessus). Ce GRH 280 6x4, carrossé en porte-voitures, opérait en effet au Chili, au début des années 1980. Il s’agit d’un modèle de dernière génération, doté de la calandre large introduite en 1977 sur les GR/TR 305 (6 cylindres à suralimentation inter-refroidie) et GR/TR 350 (V8 à suralimentation simple). Le Chili était alors, avec Cuba, le principal débouché de Berliet en Amérique Latine.

Voici un étrange camion. Il ressemble à un GLM ou un GBH, mais présente un entraînement 6x2, à monte simple sur le dernier essieu. Il s’agit d’un GPS 12, modèle spécifiquement conçu pour le marché espagnol dans le cadre d’un accord de coopération conclu en 1964 avec Sava, un constructeur d’utilitaires légers et de petits camions qui envisageait ainsi de se doter d’une gamme lourde, d’origine Berliet.

Une affaire prometteuse pour les deux parties, tellement prometteuse que l’ENASA, entreprise industrielle d’État, qui possédait Pegaso, s’empressa d’y mettre fin... en rachetant Sava en 1966.

Les GPS 12 ne seront produits que deux ans, assortis de quelques autres camions lourds importés de France et distribués par Sava. C’était le deuxième revers essuyé par Berliet dans sa tentative d’accéder au très protectionniste marché espagnol. Le précédent ayant été l’échec du rapprochement avec Barreiros, partenaire indélicat qui finira par copier sans scrupule, et pour son compte, certains composants Berliet, en particulier la cabine des nouveaux GAK.

Il faut le reconnaître, les Berliet n’ont jamais eu la cote en Allemagne. Il est vrai que la firme de Vénissieux n’y a pas non plus déployé des moyens convaincants et persistants pour développer un réseau et des produits conformes aux attentes du marché.

Passé l’épisode sarrois, lorsque ce territoire était sous protectorat français (de 1947 à 1956), qui vit le déploiement assez massif de camions de marques françaises, le repli sur les matériels allemands fut rapide et radical.

Cependant, en 1964, Berliet introduisit en République Fédérale d’Allemagne un maxi-code routier adapté à la réglementation locale, donc allégé pour satisfaire à un PTAC de 16 t en 4x2 (contre 19 t en France). Les porteurs GR 12 et les tracteurs TR 12 furent les premiers concernés, mais leur diffusion restera confidentielle. Attelé à une semi-remorque à essieux tridem, comme cette Kögel, le TR 12 pouvait rouler en Allemagne à 38 t de PTRA (contre 35 t en France).

La photo n’est pas datée mais elle a valeur de document : ce camion brinquebalant et vieillot est un Berliet ayant roulé au Danemark, pays où il n’a pas dû s’en vendre beaucoup. Il s’agit vraisemblablement d’un GDR 7, modèle développé avant-guerre mais dont la production a repris en 1946. Homologué au PTC de 13 t, il était entraîné par un 4 cylindres de 7,6 l développant 85 ch. On ne retrouvera des poids lourds français au Danemark qu’au tout début des années 1980, lorsque Renault Véhicules Industriels s’y implantera, cette fois pour y rester.

Voilà une cabine connue, la KB 2400, née avec le TR 300 (qu’on s’efforcera vite d’oublier...) et qui équipera tout le haut de gamme Berliet à conduite avancée, dont les excellents GR/TR 280, avant d’entamer une longue et belle carrière sous la marque Renault dans une version modernisée (KB 2480) qui équipera la gamme R/Major jusqu’à l’arrivée du Premium.

Si les Renault R ont été assez bien diffusés en Europe, les Berliet TR/GR 280 et TR/GR 320 l’ont été de manière très parcimonieuse. D’où l’intérêt de découvrir ce TRH 320, tracteur 6x4 déjà rare en France et encore plus inhabituel en Europe. Celui-ci était immatriculé aux Pays-Bas où les ventes de Berliet, restaient extrêmement modestes. Son V8 atmosphérique de près de 15 l développait 310 ch SAE. Réputé fragile, ce moteur ne laissera pas que de bons souvenirs à ses utilisateurs.

Un peu déroutant à ses débuts, avec son moteur maxi couple, le TR 280 (GR 280 en porteur) se révèlera en revanche une excellent camion malgré une puissance de 260 ch SAE jugée faiblarde. Ce sera le premier maxi-code Berliet à être diffusé de manière crédible, quoique encore assez discrète, en Europe : Allemagne, Suisse, Autriche, Benelux, Portugal, Grande-Bretagne, Irlande, pour l’essentiel.

Dans ces deux derniers pays, Berliet commercialisait une version à conduite à droite, uniquement disponible tracteur 4x2 et dotée d’une boîte de vitesses ZF.

Au Royaume-Uni, Thomason’s, transporteur basé à Northwich, exploitait une flotte mixte composée principalement de tracteurs Saviem SM 240 et d’au moins un Berliet TR 280.