Retour sur l’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France

Les mots « compétitivité », « visibilité », « collectif » ont dominé les échanges le 8 juillet 2022 lors de l’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France (E2F) qui a aussi été marquée par la venue de Clément Beaune, tout récemment nommé ministre délégué, chargé des transports.
L’assemblée générale d’Entreprises fluviales de France (E2F) a eu lieu le 8 juillet 2022, rassemblant un grand nombre d’acteurs de la filière au salon Nework des Yachts de Paris autour d’une matinée d’échanges sur les besoins en ressources humaines, les infrastructures, les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024. Au cours des trois tables-rondes, les mots « compétitivité », « visibilité », « collectif » sont revenus régulièrement dans la bouche des intervenants. Un manque de « visibilité » des métiers et des emplois de la filière fluviale, plutôt qu’une carence d’attractivité, ont souligné Isabelle Burget, directrice générale de Batorama, et Jean-Pierre Rous, DRH de Sogestran, lors de la première table-ronde sur les besoins en ressources humaines et les difficultés de recrutement. Selon la responsable de la compagnie de bateaux-promenade de Strasbourg : « Les métiers sont attractifs en eux-mêmes, diversifiés avec la conduite des bateaux, la maintenance, l’accueil à bord, le contact avec les passagers… Mais les conditions de travail, la qualité de vie au travail, la rémunération, les possibilités d’évolution de carrière constituent des aspects incontournables ». Cette compagnie de tourisme fluvial s’est retrouvée avec un effectif insuffisant à la fin de 2021 et a engagé un travail de fond pour recruter en réfléchissant et rehaussant d’abord son niveau d’exigence en matière de compétences et de qualités professionnelles (savoir-faire et savoir-être), mais aussi en refondant sa grille de rémunération, en communiquant sur l’entreprise, ses projets (comme le « verdissement » de ses bateaux), ses métiers sur les réseaux sociaux, en faisant appel à un cabinet de recrutement. « Nous ne sommes pas encore à l’effectif attendu mais la démarche fonctionne. Nous avons 50 collaborateurs aujourd’hui au lieu de 39 fin 2021, dont 24 capitaines et 7 matelots au lieu de 18 et 2, a expliqué Isabelle Burget. Les âges des nouveaux recrutés s’échelonnent de 20 à 50 ans. Nous voulons absolument éviter les recrutements « kleenex ». La rémunération, les conditions de travail, les possibilités d’évolution de carrière sont incontournables mais il y a aussi la philosophie de l’entreprise, un environnement de travail sain et constructif ». Pour améliorer la visibilité des métiers, Batorama favorise les interventions de collaborateurs dans les classes à partir du collège.

Un déficit d’image du fluvial

La pyramide des âges est déficitaire pour les emplois de la filière fluviale française, avec 600 à 700 départs en retraite dans un proche avenir. Les besoins en personnel concernent aussi bien les activités fret que passagers, ce sont environ 200 navigants et autant de matelots qu’il faut recruter dans les prochaines années. « Nous avons des atouts à faire valoir sur nos métiers qui peuvent répondre aux aspirations, à la quête actuelle de sens des jeunes et moins jeunes. Le fluvial propose des métiers avec des responsabilités, qui connaissent des innovations, qui permettent d’être des acteurs de la transition écologique », selon Jean-Pierre Rous. Ce sont aussi des métiers qui reposent sur l’apprentissage qui a le vent en poupe actuellement, « un atout supplémentaire », selon ce DRH qui ajoute : « Il s’agit d’attirer les compétences et de les garder car il y a toujours des contraintes dans les métiers fluviaux et elles sont de plus en plus difficiles à faire accepter par les générations actuelles ». Il parle de la nécessité d’un « management intergénérationnel » entre les plus anciens salariés et les nouveaux entrants qui de plus en plus ne sont plus issus de famille de mariniers et viennent d’horizons variés. A ce défi d’un management adapté aux générations actuelles, s’ajoute celui de la féminisation des navigants qui pose lui l’enjeu de la mixité à bord. Le directeur du CFANI, François Manouvrier relève lui aussi le déficit d’image de la filière fluviale auprès du grand public : « Parfois les jeunes sont attirés mais il est plus difficile de convaincre les parents que ce sont des métiers porteurs d’avenir, y compris d’un point de vue salarial, les conditions de travail ont évolué. Il faut prendre en compte également que les canaux de communication changent, les salons ont perdu en importance au profit des réseaux sociaux ou d’un reportage sur le fluvial au bon moment à la télévision ! Tout l’enjeu est de faire connaître les métiers ».

La question des infrastructures

« Comme toutes les autres entreprises, celles du fluvial ont besoin de compétitivité. Et l’infrastructure est un élément de cette compétitivité », a indiqué Pascal Rottiers, président du collège « artisans » d’E2F, en introduction de la deuxième table-ronde. Un autre maître-mot était lâché, « compétitivité » en lien avec tout l’enjeu de la qualité du réseau fluvial, quel que soit son gabarit. Ce responsable a poursuivi : « Le réseau a souffert d’un manque d’entretien récurrent ces trente dernières années du fait d’un manque de volonté politique de maintenir performant le transport fluvial. C’est vrai pour le petit gabarit, le moyen gabarit celui qui permet de transporter entre 700 et 1000 tonnes, un peu moins pour le grand gabarit. Le contrat d’objectifs et de performance de Voies navigables de France a marqué un tournant pour freiner la dégénérescence du réseau, pour définir une ligne directrice pour sa régénération, son maintien. En plus de l’augmentation du budget de VNF, le plan de relance a aussi joué un rôle. Pour le transport de fret, nous avons besoin de conserver des axes nord-sud et est-ouest, y compris sur le petit gabarit où un bateau de 38 mètres permet d’emporter 250 tonnes, soit 8 poids lourds en moins sur les routes. Le tourisme fluvial a les mêmes besoins d’un réseau de qualité que le fret et représente d’importantes retombées économiques pour les territoires ». Parmi les mesures prévues par le contrat d’objectifs et de performance (COP) entre VNF et l’Etat, signé en avril 2021, les négociations sur les niveaux de services des différentes voies navigables sont en cours. E2F en est l’une des parties prenantes en s’appuyant sur une étude interbassin réalisée avec Agir pour le fluvial (APLF). Les conclusions ont été présentées en juin 2022 et devraient bientôt être rendues publiques. Cette étude, selon Thierry Guimbaud, directeur général de VNF, « est pour l’établissement une source importante de proposition de la part de la profession elle-même. Elle nous aide à définir les niveaux de service, à convaincre les autres parties de la performance économique des voies d’eau concernées. Il faut un équilibre entre les investissements pour le niveau de service visé et la rentabilité économique des activités, sans oublier le partage de valeur, notamment pour le tourisme. On n’abandonne pas le petit gabarit, on définit les niveaux de service selon les besoins avérés et soutenables ».

Un effort d’investissement sur la durée

Pour Mathieu Blanc, directeur métier fluvial chez CFT/groupe Sogestran et président du collège « armateurs » d’E2F, les coûts d’une compagnie de transport fluvial de marchandises « ont 4 composantes : les bateaux, les hommes, la maintenance, le gazole. Cela signifie que pour atteindre la compétitivité, il faut aller vite notamment sur les infrastructures à grand gabarit, pour le passage aux écluses, pour charger et décharger. Le réseau à grand gabarit doit être fiable, fluide. Pour le petit gabarit, il ne faut pas l’abandonner mais les trafics y sont en régression, c’est aux artisans-bateliers de voir ce qu’ils peuvent faire sur cette partie du réseau. Par l’intermédiaire d’E2F, nous avons été associés au COP qui donne une trajectoire à VNF, il faut s’assurer qu’elle soit pérenne sur la durée ». Pour Thierry Guimbaud : « Le COP a posé une ambition nouvelle pour le fluvial. L’effort d’investissement a été multiplié par deux ce qui a nécessité par exemple une réorganisation en interne de la maîtrise d’ouvrage, davantage de digitalisation. Des changements qui ne se font pas en un claquement de doigts. Nous avons aussi utilisé les montants qui nous avaient été alloués dans le cadre du plan de relance. Le vrai défi est de maintenir l’effort sur la durée ». Pour ce responsable, « la compétitivité du fluvial comprend bien d’autres aspects que l’infrastructure qui ne fait pas tout, le meilleur exemple en est le Rhône. Elle nait aussi de l’efficacité du modèle économique des ports maritimes et intérieurs, du foncier et des aménagements au bord de la voie d’eau avec un rôle important des collectivités ». Il a ajouté le « verdissement » des flottes avec la transformation des motorisations à moyen et long terme, la digitalisation.

Les JOP, une vitrine du fluvial

Lors de la table-ronde sur les perspectives des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, le mot-clé a été « collectif ». Pour Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris (CPP) : « C’est un projet fédérateur de la filière fluviale dans son ensemble, pas seulement à Paris, pour démontrer tout ce qu’on peut faire sur l’eau et lancer une dynamique pour l’après, en héritage des Jeux ». La vision est la même pour Frédéric Aviérinos, président du collège « tourisme » d’E2F : « Les Jeux sont bâtis autour du fleuve depuis le début et nous y sommes associés depuis le premier jour. Cela nous a rapproché les uns des autres. Les Jeux sont un accélérateur des innovations, favorisent une coopération entre les acteurs de la filière fluviale ». La conclusion de l’assemblée générale d’E2F a été marquée par la venue de Clément Beaune, tout récemment nommé ministre délégué, chargé des transports, qui effectuait à cette occasion son premier déplacement officiel. Un geste auquel la filière fluviale a bien évidemment été sensible. « Votre présence est une forme de reconnaissance, lui a dit Didier Léandri, président délégué général d’E2F. Si vous retenez une chose de votre venue, c’est que nous sommes un collectif qui entend basculer de l’angle mort de la politique des transports à un rôle pivot. Notre message est que la profession fluviale veut investir pour le bénéfice du collectif et de la société dans son ensemble ». En réponse, le ministre a mis en avant qu’il avait « beaucoup à apprendre » et qu’il entendait « poursuivre la conversation après cette première prise de contact ». Il a cité les investissements en lien avec le COP et le plan de relance, les surcoûts de manutention avec l’avancée due à CMA CGM depuis avril 2022, les infrastructures avec Seine-Nord Europe « dont les premiers travaux commencent en septembre », Bray-Nogent, Mageo ou encore les engagements pour la croissance verte (ECV, voir article de NPI). Il a aussi plus longuement abordé les JOP de Paris en 2024, avec la cérémonie d’ouverture sur la Seine, « c’est une vitrine, il s’agit d’en faire un moment de rêve, de partage, d’entraînement pour plusieurs années. Vous faites déjà rêver, il y a un imaginaire autour du fleuve. Mon engagement, mon ambition est d’être à vos côtés ». La vidéo de cette prise de parole a été mise en ligne par E2F (https://www.youtube.com/watch?v=blOW3o8IOTw).

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